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Droits des affaires et des marques à Paris

Inventions par des non-salariés : un élargissement attendu du régime applicable aux salariés en matière de logiciels et d’inventions de mission

11 janvier 2024

Le 24 février 2022

Par Sandrine PETOIN

L’ordonnance n° 2021-1658 du 15 décembre 2021, relative à la dévolution des droits de propriété intellectuelle sur les actifs obtenus par des auteurs de logiciels ou inventeurs, ni salariés, ni agents publics accueillis par une personne morale réalisant de la recherche, vient unifier le droit de la propriété intellectuelle en matière d’inventions de mission.

 

L’ordonnance de décembre dernier vient d’introduire le régime applicable aux inventions des personnes non salariées, accueillies dans le cadre d’une convention par une personne morale de droit privé ou de droit public. Ce régime est calqué sur le régime préexistant applicable aux personnes salariées.

S’agissant des inventions, par principe « le droit au titre de propriété industrielle appartient à l’inventeur ou à son ayant cause »[1]. L’inventeur reste donc seul habilité à breveter son invention.

Par exception, les inventions faites par un salarié, dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive, soit d’études et de recherches, appartiennent à l’employeur[2]. Cette exception est également applicable aux inventions réalisées par les agents de l’Etat, collectivités publiques et toute autre personnes morales de droit public[3].

S’agissant des logiciels, par principe, seul le créateur peut exploiter son œuvre[4].

Par exception, les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à ce dernier qui est seul habilité à les exercer[5]. De la même manière, les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par des agents de l’Etat, des collectivités publiques et des établissements publics sont automatiquement dévolus à l’employeur public.

Il en résultait une disparité de traitement entre salariés et stagiaires (non visés explicitement jusqu’à présent).

En l’absence d’exception expresse prévue par la loi, la jurisprudence se bornait jusqu’alors à préserver le droit des stagiaires en matière de logiciels. Notamment, par l’arrêt de la Chambre commerciale du 25 avril 2006[6], l’inventeur qui « n’était ni salarié du CNRS, ni agent public, ce dont il résultait que la propriété de son invention ne relevait d’aucune des exceptions limitativement prévues par la loi » conservait les droits attachés à son invention. Son établissement d’accueil (le CNRS) se voyait alors débouté de sa demande en revendication de la propriété du brevet déposé par le stagiaire.

Les articles L. 113-9-1 et L. 611-7-1 du code de la propriété intellectuelle introduits par l’ordonnance susvisée unifient les règles applicables en la matière.

S’agissant des logiciels, l’article L. 113-9-1 attribue automatiquement les droits patrimoniaux y afférents à la structure d’accueil, entendue comme toute « personne morale de droit privé ou de droit public réalisant de la recherche », et liée par l’inventeur par une « convention ». Le domaine d’application semble relativement étendu. Pour seules restrictions, l’inventeur doit être placé sous l’autorité d’un responsable de la structure d’accueil et être rémunéré.

S’agissant des inventions brevetables, l’article L. 611-7-1 attribue celles créées par un non-salarié à la personne morale d’accueil seulement lorsqu’il est lié à celle-ci soit par une convention visant une mission inventive, soit par une convention d’études et de recherches. Le Rapport au Président de la République précise que l’ordonnance vise les inventions réalisées par « notamment les stagiaires, doctorants étrangers et professeurs ou directeurs émérites ». Dans ces conditions, les droits de propriété industrielle attachés à ces inventions sont là encore automatiquement dévolus à l’établissement d’accueil. L’inventeur devra tout de même être au préalable informé du dépôt d’une demande de brevet sur son invention, ainsi que de la délivrance de ce même titre. Cette information permettra éventuellement à l’inventeur de revendiquer la propriété de l’invention lorsque les conditions de l’article ainsi introduit ne sont pas réunies (invention réalisée hors des missions de l’inventeur par exemple).

L’article L. 611-7-1, dans son 2°, reprend le cas particulier des inventions hors missions attribuables, déjà prévu dans le régime des inventions de salariés. Si le stagiaire invente en dehors de sa mission, mais que ses inventions sont en lien avec l’entreprise, l’employeur pourra tout de même se les voir attribuer, sous la condition de rémunérer le stagiaire en contrepartie (de manière forfaitaire ou proportionnelle à l’exploitation qui en sera faite). L’employeur démontrera ce lien avec l’entreprise soit parce que l’invention entre dans le domaine d’activité de celle-ci, soit par qu’elle a été réalisée par le stagiaire dans l’exécution de ses fonctions, soit grâce aux moyens techniques et connaissances mises à sa disposition par l’entreprise.

Le régime applicable aux stagiaires est donc désormais aligné sur celui applicable aux salariés et agents publics, inventeurs dans le cadre de leur relation de travail ou de leur mission de service publique.

Précisons enfin qu’en dehors de ces exceptions strictement énumérées par la loi, les droits d’exploitation appartiennent par principe à l’auteur du logiciel, ou à l’inventeur. Ainsi, un contrat de commande, passé avec un non-salarié, devra nécessairement prévoir une cession des droits d’exploitation liés au logiciel ou à l’invention commandé si le commanditaire souhaite disposer des droits patrimoniaux sur ces œuvres.

[1] Article L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle

[2] Article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle

[3] Article L. 611-7, 5 du code de la propriété intellectuelle

[4] Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle

[5] Article L. 113-9 du code de la propriété intellectuelle

[6] Cass. Com. 25 avril 2006, n° 04-19.482